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Les instruments

Clavecin Gaveau n°37 (1914). Inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques le 29 février 2024

Dolmetsch et Gaveau

Le clavecin Gaveau est le fruit de la mise en place d’un atelier de claviers historiques (clavicordes, clavecins, épinettes) au sein de la firme, en 1912, afin de concurrencer celui de Pleyel, déjà bien installé. Pour le diriger, Étienne Gaveau engage Arnold Dolmetsch (Le Mans 1858 – Haslemere 1940), l’un des principaux pionniers dans la redécouverte de la musique ancienne et de ses instruments.

Le rôle de Dolmetsch n’est sans doute pas apprécié à sa juste valeur aujourd’hui encore. D’abord violoniste, on ne sait pas exactement comment il découvre la musique ancienne, mais il est probable qu’il a visité la grande Exposition Universelle de 1889 à Paris, lors de laquelle un clavecin ancien et des nouveaux clavecins construits par Érard et Pleyel sont présentés. À partir de cette date, Dolmetsch restaure des instruments anciens et en fabrique des copies, avec lesquels il se fait entendre en concert. Son succès est considérable, d’abord en Angleterre, où il est proche du mouvement Arts and Crafts de William Morris.

À partir de 1903, il s’installe aux Etats-Unis et prend la direction en 1905 du département instruments anciens de la firme américaine Chickering, pour laquelle il produira 75 instruments à clavier, constitués pour moitié de clavicordes et de l’autre de clavecins, épinettes et virginals. Seulement deux de ses clavecins, datant de 1911, comportent un jeu grave de 16 pieds. À notre connaissance, tous les clavecins Dolmetsh-Chickering conservés aujourd’hui sont encore aux Etats-Unis. En 1911, Chickering ferme le département de musique ancienne du fait de la crise économique qui frappe les Etats-Unis. Dolmetsch rentre en France et propose ses services à Pleyel, Érard et Gaveau. C’est finalement cette dernière marque qui l’engage pour trois ans. Il quittera Gaveau en 1914 pour retourner définitivement en Angleterre, où il construira des instruments sous son propre nom, devenu une marque à lui seul. Après 1918, la société Gaveau continuera à produire ses modèles de clavecins, revus en décoration fin XVIIIe, jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Dolmetsch ne passe donc que trois ans chez Gaveau, si l’on considère les années 1911 et 1914 comme des périodes de transition. Les archives Gaveau de cette époque ayant disparu, il est difficile de connaître avec précision la nature de sa production. Nous avons pu retrouver la trace de 37 instruments. Comme chez Chickering et plus tard chez Dolmetsch, la numérotation est commune à tous les modèles. En dehors du n°1 qui est une épinette, presque tous les autres instruments identifiés sont des clavicordes. Le n°17 est un clavecin, daté de 1912, actuellement dans la collection Chris Maene, en Belgique. Le tout dernier instrument est aussi un clavecin, le n°37, daté de 1914, dont l’Académie Bach est propriétaire. Pour information, le musée des instruments de la Philharmonie de Paris et celui de Berlin possèdent chacun un clavecin Gaveau de 1923, donc bien postérieur au départ de Dolmetsch de la firme. En l’état de nos recherches, notre exemplaire serait donc le seul clavecin Gaveau aujourd’hui en France datant de la période Dolmetsch.

Provenance de l’instrument

Ce clavecin Gaveau n°37, comme le clavecin Pleyel n°79259 acquis par l’Académie Bach au même moment, a appartenu à Marie-Thérèse Phillips née Morel (1905 – 1997), pianiste et claveciniste établie à Bernay, dans l’Eure. Nous savons par les archives de sa famille que le clavecin Pleyel lui fut offert par sa mère en décembre 1940, mais aucune information ne permet de savoir comment et quand elle est entrée en possession du clavecin Gaveau. Résistante au sein du réseau Pat O’Leary, elle fut arrêtée en 1943 et déportée à Ravensbrück. Après la guerre, elle créa une école de musique dans sa maison.

Données techniques

  • numéro de série : 37
  • dimensions : longueur 212 cm / largeur 97 cm / hauteur 30 cm
  • 2 claviers de 61 notes (fa – fa), ébène avec frontons dorés en arcade, ivoire
  • diapason actuellement inconnu
  • disposition : 1×16′ 2×8′ 1×4′
  • sautereaux en bois, avec plectres en cuir d’origine
  • 6 pédales en fer forgé commandant les registres et l’accouplement des claviers
  • caisse en noyer, agrémentée d’une discrète décoration dorée
  • état : à restaurer
  • protection : inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 2024

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