Andreas Staier est sans doute aujourd’hui la figure principale parmi les spécialistes des instruments à claviers historiques. Invité à se produire pour la première fois pour l’Académie Bach il a construit un programme consacré à trois grandes personnalités viennoises de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe : Joseph Haydn (1732-1809), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) et Franz Schubert (1797-1828).
Trois styles, trois approches différentes de l’écriture pour piano, alors en plein essor, aboutissant à l’immense architecture de la dernière sonate de Schubert, composée peu de temps avant la mort du compositeur.
Pour ce récital, Andreas Staier a choisi de jouer sur un piano Érard de 1845, récemment restauré, qui est venu enrichir la collection d’instruments historiques de l’Académie Bach.
Andreas Staier, piano Erard n°18643 (1845)
Ce concert aura lieu à l’église d’Arques-la-Bataille.
Attention : contrairement à ce qui est annoncé sur notre document imprimé, ce concert n’aura pas lieu au Musée Michel Ciry de Varengeville, mais bien à l’église d’Arques-la-Bataille.
Entretien exclusif pour l’Académie Bach avec Andreas Staier – mars 2022
Vous avez choisi de jouer Haydn, Mozart et Schubert dans un même programme ; seraient-ils liés par un même « esprit viennois » ?
Andreas Staier : Oui bien sûr, ils ont une connexion géographique mais ils sont aussi liés entre eux.
Mozart était l’élève de Haydn, et on voit leur lien de façon évidente notamment dans le genre du quatuor à cordes où Mozart a vraiment pris les œuvres de Haydn comme exemple. On pourrait nommer beaucoup d’autres influences. Et dans un sens moins direct mais pas si différent, Schubert est souvent perçu comme héritier de Mozart.
Mais la raison pour laquelle j’ai assemblé ce programme ainsi, c’est plutôt pour une raison émotionnelle : la dernière sonate de Schubert a un côté à la fois paisible et profondément triste, mais il y a aussi du soleil dedans. Et ce mélange de tristesse et de soleil est très évident, pour moi, dans les Variations en fa mineur de Haydn, où il y a une alternance, comme dans un cycle de doubles variations où s’alternent une section en mineure et une en majeur.
Cette alternance, surtout dans l’œuvre tardive de Schubert, joue un rôle de plus en plus important.
On peut dire des choses similaires avec la fantaisie de Mozart, qui utilise aussi ce mélange très spécial entre un début très tragique et presque menaçant en do mineur, suivi par un adagio idyllique en ré majeur. Donc là aussi il y a ce côté viennois, cette proximité de la dépression et de la joie : c’est dans cet esprit que j’ai assemblé ces pièces ensemble.
Vous donnerez ce récital sur un Erard de 1845 ; que vous inspire ce type d’instrument en tant qu’interprète ? Et quelle est aujourd’hui votre position sur la question claviers anciens-claviers modernes ?
Andreas Staier : C’est une grande question, je vais essayer d’y répondre brièvement ! Je suis perçu comme quelqu’un qui joue et s’intéresse aux instruments historiques. C’est vrai, mais je n’ai jamais voulu exprimer par cet intérêt que je n’aimais pas le piano moderne. J’ai tout simplement une grande curiosité pour les claviers anciens et leurs différentes sonorités.
Évidemment, pour un programme viennois, le piano Erard n’est pas le premier choix auquel on pourrait penser, mais par exemple Liszt jouait des transcriptions des œuvres de Schubert en France sur un Erard ou sur un Pleyel. Ces pianos sont des instruments de facture française qui sonnent de manière différente des pianos viennois de la même époque. Je voulais donc essayer de jouer ce programme avec une sonorité différente de ce que l’on peut attendre, et j’espère que le public appréciera.
Gustav Leonhardt a disparu il y a dix ans cette année, et l’Académie Bach lui rend hommage sur son site internet et dans sa programmation. Que représente-t-il pour vous aujourd’hui ?
Andreas Staier : Pour moi, il a vraiment été d’une grande influence. Après mes examens d’étude, il m’a invité chez lui pour lui poser des questions et parler de tout ce qui touchait aux claviers. C’était une offre très généreuse, je suis allé trois fois chez lui et on a surtout parlé de l’importance de l’improvisation dans le genre de la toccata italienne et dans les préludes non mesurés de Couperin. Ces leçons sont vraiment gravées dans ma mémoire, je ne les oublierai jamais. Je ne joue pas ces pièces-là de la même manière que Leonhardt, mais ce n’était pas le but, il m’a appris beaucoup et ça a révélé beaucoup de choses dans mon style et ma façon de penser la musique.
Programme
Wolfgang Amadeus Mozart
Fantaisie en do mineur, K475
Joseph Haydn
Sonate en mi bémol majeur, Hob XVI/49
Joseph Haydn
Variations en fa mineur, Hob.XVII/6
Franz Schubert
Sonate en si bémol majeur, D960
Tarif C
Pour bénéficier du tarif réservé aux adhérents, vous pouvez à tout moment adhérer en ligne sur le site de billetterie. L’adhésion est annuelle et vous donne accès au tarif privilégié pour deux personnes par concert.